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Retrouvez tous les épisodes de la série « Des œuvres qui ne manquent pas de chien » ici.
En décembre 2018, l’Opéra du Rhin proposait une résurrection mondiale : celle de Barkouf ou un chien au pouvoir. La première œuvre lyrique présentée par Jacques Offenbach à l’Opéra-Comique à Paris, le 24 décembre 1860, qui n’avait pas été remontée depuis sa création, condamnée par une critique hostile englobant livret (« comble de l’ineptie et de l’extravagance ») et musique. « Décidément, il y a quelque chose de détraqué dans la cervelle de certains musiciens. Le vent qui souffle à travers l’Allemagne les a rendus fous… », écrira Berlioz, tandis que le critique Paul Scudo dénonce la « chiennerie en trois actes » d’un compositeur « aux abois ».
Non content d’additionner les défections en cascade de chanteurs au cours des répétitions, ce qui occasionnera moult remaniements de la part du compositeur, Barkouf eut également maille à partir avec la censure – un chien vice-roi, graciant en aboyant les condamnés à mort et réduisant les impôts de moitié, avait de quoi titiller le pouvoir en place, dont la valse des chefs, depuis la révolution de 1789, donnait quelque peu le tournis. Sous le couvert de la comédie, l’ouvrage, qui s’apparente à une diatribe contre la tyrannie, le Second Empire et Napoléon III, aborde, en effet, des sujets explosifs.
Le chien Barkouf a été installé au pouvoir par le Grand-Mogol pour punir les habitants de Lahore, enclins à défenestrer systématiquement leurs gouverneurs (dix en moins d’un an, le dégagisme avant l’heure). Sous ses ordres, le grand vizir Babadeck et son eunuque au nom millimétré, Kaliboul. Après avoir marié par chantage l’officier Saëb à son laideron de fille, l’incasable Périzade, le méchant personnage a rallié un groupe d’insurgés en vue de renverser Barkouf. Mais le peuple veille.
Ainsi, le jeune révolutionnaire Xaïloum, sympathique factieux balançant entre son goût pour la casse et la petite vendeuse d’oranges, Balkis, forcément dans le viseur du vizir. Tous deux sont amis avec la jeune et futée Maïma, marchande de fleurs et ancienne maîtresse du chien. Devenue porte-parole de Barkouf, l’intrépide démasquera le complot non sans récupérer, au passage, son ex-fiancé, Saëb, indûment uni à la « vizirette ».
Le mérite revient au spécialiste d’Offenbach, le musicologue Jean-Christophe Keck, responsable de l’intégrale éditoriale en cours chez Boosey & Hawkes, d’avoir rassemblé les fragments plus ou moins épars d’une partition inventive et parfois visionnaire. Harmonies audacieuses, écriture vocale exigeante, le langage musical du compositeur frappe par sa nouveauté. Si l’un des ressorts de l’intrigue repose sur l’idée que seule Maïma est à même de « traduire » ses aboiements – elle prête en fait à l’animal ses propres idées –, force est de constater que le gouverneur à quatre pattes se contente de japper en coulisses.
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